Georges Gros: journaliste, mais francophone avant tout

L’hommage de notre confrère Philippe Stroot, qui a côtoyé l’ancien secrétaire général de longues années durant.

Notre ami Georges Gros nous a quittés en ce triste novembre 2024. Il est à craindre qu’il soit parti fortement déçu par l’évolution de la francophonie, à laquelle il avait consacré sa vie. George Gros a été pendant plus de 40 ans le Secrétaire général de l’Union internationale des journalistes et de la presse de langue française (UIJPLF), devenue ensuite l’UPF (Union internationale de la presse francophone). Il en a été l’âme et la cheville ouvrière, aux côtés des présidents successifs, parmi lesquels, Jean-Marie Vodoz (Suisse), Auguste Miremont (Côte d’Ivoire), René Duval (France), Abdallah Stucki (Maroc),  Hervé Bourges (France), Alfred Dan Moussa (Côte d’Ivoire) et Abdelmounaïm Dilami (Maroc). Il s’est démené sans ménager ses efforts pour organiser chaque année des Congrès ou Assises aux quatre coins du monde : notamment en Tunisie, en Guyane, en Côte d’Ivoire, à Maurice, au Vietnam, en Acadie, à Paris, au Liban, en Suisse, au Bénin, au Congo, au Mali, au Burkina Faso, en Roumanie et au Maroc.   

Ces rencontres ont permis à de nombreux journalistes francophones des quatre continents de se rencontrer, d’établir des liens et de découvrir des pays dans lesquels ils ne se seraient probablement jamais rendus sans l’UIJPLF/UPF. S’il se débrouillait toujours pour trouver des financements permettant au plus grand nombre de journalistes de participer aux Congrès et Assises, Georges Gros considérait que ceux des pays riches du nord devaient tous payer leur propre participation, y compris les présidents des sections nationales, ce qui paraît en effet la moindre des choses. En revanche, il avait mis au point un système permettant aux participants de payer un peu plus que la contribution demandée afin de financer la participation de journalistes démunis, notamment africains. C’est aussi lui qui a suscité et favorisé la création de nouvelles sections de l’UPF, d’abord en Acadie en 1979, puis dans les années 1990, à l’est de l’Europe, notamment en Roumanie, Bulgarie, Croatie, Serbie, Albanie, la dernière étant la section moldave, en 1997.

Georges Gros a toujours mis davantage l’accent sur l’aspect francophone que sur des questions « techniques » d’ordre général qui concernent la presse partout dans le monde. S’il réagissait sans retard à toute atteinte à la liberté et à l’indépendance de journalistes dans des pays francophones, il se gardait bien de donner des leçons aux médias d’autres univers linguistiques. Il considérait que la mission de l’UIJPLF/UPF était de se concentrer sur les journalistes francophones et n’a jamais voulu faire de l’Union une annexe de RSF (Reporters sans frontières), dont les objectifs et les moyens sont d’une tout autre nature.

A la fois autoritaire et chaleureux, Georges Gros avait des méthodes de travail bien à lui, efficaces mais parfois « controversées », comme disent les médias à propos des gens qu’ils n’aiment pas trop…  Au terme de remous et d’échanges d’accusations plus ou moins fondées, Jean Kouchner a fini par succéder en 2012 à Georges Gros, comme celui-ci le lui avait d’ailleurs proposé lors des assises du Cameroun en 2009. Jean Kouchner a fait ensuite des efforts méritoires pour apaiser les différends et les ambitions concurrentes. Il fut puissamment aidé en cela par deux présidents efficaces et charismatiques, d’abord le Marocain Abdelmounaïm Dilami, puis le Sénégalais Madiambal Diagne. Des Assises ont pu être organisées avec succès ces dernières années au Sénégal, au Togo, à Madagascar, en Guinée, en Arménie, au Cameroun, au Maroc, puis à nouveau au Sénégal. La Secrétaire générale actuelle, l’Arménienne Zara Nazarian, a succédé à Jean Kouchner lors des Assises  du  Cameroun en 2019. Avec l’aide du Président Diagne et du Bureau de l’UPF, elle s’emploie avec courage et détermination à maintenir en vie l’héritage de Georges Gros et des autres fondateurs historiques de l’Union, en dépit des difficultés financières, rivalités et autres « controverses » inévitables dans ce genre d’organisation…

Philippe Stroot

Membre de l’UPF depuis 1987