Remous à la rédaction de « Libération »

Par Sandrine Cassini
Turbulences à Libération entre la direction et les journalistes, un an après l’éclatement de l’affaire du hasardeux forum gabonais, qui fait l’objet d’une enquête préliminaire ouverte par le Parquet financier. Jeudi 27 février, la rédaction a tenu une assemblée générale pour s’émouvoir « du blocage des discussions avec l’actionnaire », Altice, le groupe de Patrick Drahi, qui avait pourtant promis en 2019 d’octroyer un certain nombre de garanties aux journalistes.
En 2019, la rédaction avait découvert avec stupéfaction qu’un forum « citoyen » organisé au Gabon en 2015, et pour lequel elle avait en amont exprimé de vives réserves, craignant de servir le pouvoir en place, était potentiellement entaché d’irrégularités. Alors que les journalistes avaient posé comme condition que l’événement ne génère pas de bénéfice, la rédaction avait ensuite appris qu’il avait rapporté 3 millions d’euros au quotidien.
Les liens de proximité entre l’ancien directeur général, Pierre Fraidenraich, et des proches d’Ali Bongo, le président du Gabon, avaient suscité les suspicions. Egalement au cœur de la polémique, le versement d’une commission de 450 000 euros à Nadine Diatta, la sœur de l’épouse du directeur de cabinet du président gabonais, qui avait été l’associée de l’ancien directeur général sur un projet de télévision panafricaine.
Eviter de nouvelles dérives
C’est suite à ce scandale que la direction du titre avait engagé des discussions avec la rédaction afin d’éviter de nouvelles dérives. Problème, le propriétaire Altice serait sensiblement en train de revenir sur ses promesses. Principal point de divergence, la cession aux journalistes d’une part sociale du quotidien. « Cette part sociale nous permettrait d’assister à l’assemblée générale annuelle et d’avoir les mêmes informations que les autres associés », explique Amaelle Guiton, présidente de la Société des journalistes et du personnel de Libération (SJPL).
Le 8 octobre 2019, après six mois de discussions, la direction avait pourtant signé un accord-cadre avec la SJPL en ce sens, gravant également dans le marbre un certain nombre de garde-fous afin d’éviter qu’un problème comme le Gabon ne se reproduise. Un accord définitif devait être entériné le 30 novembre.
Mais en janvier, la direction apporte un certain nombre de remarques sur le texte initial. Elle souhaite notamment récupérer sa part sociale en cas de revente du titre. « Dans l’hypothèse où Libération serait cédé, on ne veut pas s’engager pour les futurs repreneurs », admet Clément Delpirou, le co-gérant de Libération.