Une chronique de notre confrère Philippe Le Bé. Déshumaniser ses adversaires, c’est un grand classique de la guerre. L’exemple de Gaza pour en témoigner.
Elle s’appelait Tala. Elle avait 10 ans. Elle venait de supplier ses parents de sortir, quelques minutes seulement, pour faire du roller. Mais une bombe israélienne l’a frappée à mort. Dans un récent reportage, France Info a pu exceptionnellement donner un visage aux plus de 41.000 morts – davantage que les habitants de Fribourg – sur la prison ouverte de la bande de Gaza. Donner un visage à un père qui raconte que les rollers tâchés de sang, c’était la seule chose qu’il pouvait apercevoir dans la poussière et les débris. Donner un visage à une mère éplorée qui raconte que Tala aimait tout, et par-dessus tout l’école pour y étudier. Donner un visage, c’est précisément ce que les autorités israéliennes s’emploient méthodiquement à ne pas faire.
Depuis que les premières bombes sont tombées sur Gaza au lendemain de l’attaque du Hamas du 7 octobre 2023, plus de 130 journalistes palestiniens ont été tués par l’armée d’Israël, rapporte Reporters sans frontières. Au moins 32 d’entre eux ont été pris pour cible et tués dans l’exercice de leurs fonctions. Parallèlement, les autorités israéliennes continuent d’empêcher l’accès à Gaza aux journalistes étrangers. Les quelques reporters qui ont été autorisés à y entrer n’ont pu le faire que sous la stricte surveillance de l’armée. Après un an de guerre, les Israéliens ne voient donc rien des « victimes collatérales » de Gaza. La guerre sans visage travestit le vrai visage de la guerre. En revanche, ils peuvent voir les photos des otages détenus à Gaza par le mouvement palestinien Hamas, projetées sur les murs de la vieille ville de Jérusalem, près de la porte de Jaffa. Ils peuvent aussi voir ces milliers de manifestants qui brandissent quotidiennement les photos de leurs proches, détenus ou assassinés par l’organisation terroriste. Émotion unilatérale. Déshumaniser ses adversaires, c’est un grand classique de la guerre. Y mettre fin, c’est suivre le sage conseil du philosophe et maître spirituel bulgare Peter Deunov : « Pour aimer les gens il faut les connaître, pour connaître Dieu, il faut l’aimer ».