La Fondation Hirondelle a 25 ans, une ONG suisse de création de médias en zone de crise

source :  Le Courrier
La difficile voix de la paix 2
Un quart de siècle qu’elle fait éclore vocations et institutions journalistiques à travers le monde, en œuvrant pour «la paix et la dignité humaine». La Fondation Hirondelle, sise à Lausanne et née le 17 mars 1995 à la suite du génocide au Rwanda, mise sur le droit à l’information comme vecteur de stabilité démocratique dans des pays en conflits, tels que le Congo, le Kosovo ou encore la Centrafrique.
Affrontant la crise du journalisme en zone de crise humanitaire, le défi de la professionnalisation du traitement de l’information est au cœur de son combat pour des médias de développement. «Nous ne sommes pas une association humanitaire, mais bien une fondation au but intangible: défendre une information de bien public!» Directrice générale de la Fondation Hirondelle depuis 2016, Caroline Vuillemin défend en ce mois d’anniversaire l’héritage des trois journalistes créateurs de l’ONG: Jean-Marie Etter, François Gross et Philippe Dahinden. «Depuis le départ, à la reprise de la radio rwandaise Agatashya (‘petite hirondelle’), créée par la section suisse de Reporters sans frontières, afin d’aider les populations à se reconstruire suite au génocide, notre vocation est de répondre aux besoins les plus pressants des sociétés.»
Rapidement, le volatile fait des petits, même si le média rwandais installé au Zaïre voisin (futur Congo RDC) est étouffé par la montée en puissance des troupes rebelles de Laurent-Désiré Kabila fin 1996. Radio Blue Sky au Kosovo en 1999, Radio Okapi entre 2002 et 2014 au Congo RDC, ou encore le Studio Sifaka à Madagascar: une vingtaine de projets ont essaimé dans vingt-deux pays. Présente aujourd’hui dans huit territoires, l’ONG emploie quelque 200 personnes. «Un de nos projets emblématiques est sans aucun doute la Radio Ndeke Luka (‘l’oiseau de bon augure’), en Centrafrique, qui fête le 27 mars ses vingt ans d’existence», raconte Nicolas Boissez, délégué à la communication et aux relations extérieures pour la fondation. Régulièrement en crise depuis le début des années 2000, le petit pays de 4,5 millions d’habitants a selon lui trouvé en Ndeke Luka un «média complet, qui joue un rôle de service public». «En Europe, la valeur de l’information s’est quelque peu perdue, mais dans un tel contexte de pauvreté et de guerre, les populations en prennent toute la mesure», poursuit-il (lire ci-dessous).
«Nous avons réussi à devenir une référence pour toute la population en proposant des émissions traitant autant de politique que d’agriculture, en français et sango. Le vecteur radiophonique permet une accessibilité qui nous met en lien direct avec les citoyens des régions les plus éloignées de la capitale ou non-alphabétisées. La rigueur de l’information, ensuite, fidélise», défend Sylvie Panika, journaliste-animatrice à Ndeke Luka depuis ses débuts, et directrice de la chaîne depuis 2012. «J’ai bénéficié du coaching de la Fondation Hirondelle: je suis convaincue que c’est le professionnalisme apporté qui nous permet d’être la première radio du pays.» «On nous a souvent dit que Ndeke Luka, même quand les tirs reprenaient, était comme une meilleure amie: digne de confiance», renchérit Caroline Vuillemin.
Marc-Henri Jobin, directeur du Centre de formation au journalisme et aux médias à Lausanne, se félicite quant à lui du «cercle vertueux» qu’a enclenché la fondation, «qui forme des professionnels dont le travail bénéficie au pays, mais fait également profiter à nos journalistes en formation ici de ses réseaux en Afrique», dans le cadre des programmes d’échanges «En quête d’ailleurs».