Isabelle Delorme
Selon une étude menée par la chercheuse Marika Morris, de l’Université Carleton à Toronto, les femmes sont nettement moins citées que les hommes dans les médias canadiens. Un résultat qui soulève bien des enjeux, comme l’explique Maïka Sondarjee, codirectrice de Femmes expertes, un organisme offrant formation, soutien et visibilité aux femmes qui veulent partager leurs idées et leurs connaissances avec le public.
Les femmes sont sous-représentées de manière flagrante dans les grands médias canadiens, quelle que soit leur sphère professionnelle et même dans des domaines où elles sont très présentes, comme la santé. Lorsque des passants sont interrogés dans un lieu public en revanche, on pense davantage à obtenir un 50-50.
Il y a pourtant de plus en plus de femmes à l’université. Elles représentent 40,2 % des professeurs à temps plein et 60 % des diplômés. Comment analyse-t-on cette invisibilité ?
C’est une question de construction sociale qui influe sur la manière dont nous nous représentons l’expertise dans notre tête, précise Maïka Sondarjee. « Le préjugé peut être inconscient lorsque des journalistes, qui doivent agir dans des délais rapides, font appel à des hommes.Le problème ne vient pas uniquement des hommes qui prendraient trop de place. Mon conjoint par exemple, qui est aussi professeur d’université, répond positivement à plus de demandes d’entrevues que moi. Les femmes ont davantage le syndrome de l’imposteur et se voient moins comme des expertes. Les femmes se sentent moins valorisées dans leur expertise, ce qui encourage davantage les hommes à prendre la place. Cela pose un problème d’un point de vue statistique et démocratique, mais également en ce qui a trait aux sujets, car les angles abordés sont majoritairement masculins. Par ailleurs, les médias montrent aux jeunes filles des modèles principalement masculins dans la plupart des sphères et, de ce fait, elles s’y voient moins. Il faut former les femmes à mieux s’exprimer dans les médias et sensibiliser les journalistes et les universités notamment. Chez Femmes Expertes, nous avons également mis en place un répertoire gratuit, qui contient aujourd’hui plus de 600 expertes »