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"Lira Baiseitova, lanceuse d'alerte", livre choc de la photo-reporter genevoise Laurence Deonna

Laurence Deonna et Lira Baiseitova (photo DR)

Quand la violence du régime kazakh brisait le destin d’une journaliste aujourd’hui réfugiée en Suisse

3.2.2020 | Reporters sans Frontières – section suisse

C’est dans un univers glaçant et au cœur d’un récit poignant que nous plonge le dernier livre de Laurence Deonna, l’infatigable écrivain et journaliste genevoise, présidente de la section suisse de Reporters sans frontières (RSF) de 2000 à 2003. Lira Baiseitova Lanceuse d’alerte (L’Aire) retrace l’itinéraire de cette journaliste kazakhe aujourd’hui réfugiée en Suisse, fondatrice du journal Respublika 2000 fermé après deux années d’existence seulement sur ordre des autorités.

Reconnue par ses pairs du monde entier, lauréate de plusieurs prix prestigieux récompensant des journalistes ayant pris tous les risques pour révéler le dessous des cartes, Lira a payé affreusement cher son courage professionnel. Les autorités ne lui ont en particulier jamais pardonné la publication d’une interview de celui qui était à l’époque procureur général du canton de Genève, Bernard Bertossa. L’éminent magistrat y attestait de l’existence de comptes en Suisse abritant des fonds du président kazakh Nursultan Nazarbaev. Peu après, Leila, la fille adorée de Lila, mourait en détention à 25 ans après son arrestation par la police kazakhe. A l’époque, un rapport accablant de Reporters sans frontières avait documenté autant qu’il était possible de le faire les circonstances troubles de cette mort violente, ne laissant hélas à Lira aucune possibilité de douter que les sbires du régime avaient fait payer à Leila le courage de sa mère.

Parmi ses amis et ses proches, d’autres morts jalonnent la vie de Lira, à commencer par son petit frère, officiellement décédé d’une crise cardiaque lors d’un voyage en train mais dont le corps était curieusement couvert d’ecchymoses. Au fil des pages, Laurence Deonna dresse, en arrière-fonds de la vie brisée de la journaliste, le portrait d’un pays gangréné par la corruption, égaré par les années chaotiques ayant suivi l’effondrement de l’URSS dont la population a été la première victime, et où la violence, le meurtre déguisé en accident, l’intimidation et les menaces sont, pour le gouvernement et l’appareil de l’Etat, des méthodes de routine.

En 2019, le Kazakhstan occupait le 158e rang sur 180 pays au classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par RSF. Dans sa note concernant ce pays, notre organisation relève que «les principaux médias d’opposition nationaux ont tous été interdits en 2013, les derniers croulent sous les procédures judiciaires, et même des titres peu critiques sont désormais visés. Internet est étroitement contrôlé : coupures périodiques de l’accès aux sites d’information, aux réseaux sociaux et aux services de messagerie, surveillance généralisée, blogueurs jetés en prison, voire en asile psychiatrique… Un héritage de censure qu’il est grand temps de solder.»

Laurence Deonna: Lira Baiseitova Lanceuse d’alerte, Editions de l’Aire, 2020 (141 p.)