upf-3.png

La Ville de Genève fait un geste pour les médias

Le Courrier RACHAD ARMANIOS
Le conseiller administratif Sami Kanaan dévoile des mesures pour aider la presse locale. L’exécutif pourrait ensuite aller plus loin en subventionnant l’achat d’abonnements pour les jeunes.
La Ville de Genève aidera la presse à hauteur d’un peu moins de 100 000 francs, annonce le conseiller administratif Sami Kanaan, qui a initié une réflexion à ce sujet il y a un an et demi, à l’occasion de son année de mairie. «Nous avons un besoin crucial d’une presse diversifiée et locale, surtout en Suisse où prévaut la démocratie semi-directe», introduit le magistrat socialiste, inquiet de la crise de ce secteur «en pleine restructuration, frappé par l’érosion des recettes publicitaires et la concurrence sournoise d’internet».
Dès juin, la municipalité renoncera à la taxe d’empiètement du domaine public des caissettes de journaux, une mesure pérenne qui engendrera 40’000 francs de manque à gagner. En profiteront avant tout trois titres de Tamedia (Matin Dimanche, Tribune de Genève, 20 Minutes) pour environ 27’000 francs, puis les gratuits Tout l’Immobilier (5000 francs) et GHI (3600 francs), et enfin Le Courrier (3100 francs) et Gauchebdo (800 francs).
Cibler les jeunes
Autre mesure: la création d’une bourse de soutien aux médias pour des projets créant des liens entre les titres et leur lectorat, tout en favorisant le débat démocratique. La Ville prévoit 40’000 francs à disposition des titres actifs sur le territoire municipal qui souhaiteraient organiser des débats, conférences, rencontres ou tout autre projet orientés sur le rôle de service public des médias. L’aide sera plafonnée à 5000 francs par projet et par an, une mesure à titre pilote effective dès septembre.
Troisième axe: «Faire prendre conscience aux jeunes qu’une information structurée a un coût», déclare M. Kanaan. La Ville a donc distribué lors des dernières promotions citoyennes – une cérémonie destinée aux 650 jeunes ayant atteint leur majorité – une brochure vantant la diversité des sources d’information pour forger son opinion. Quatre titres y sont présentés, qui ont pu glisser dans la brochure des offres promotionnelles. Le Courrier, la Tribune, Le Temps et Heidi.news ont été retenus sur deux critères: des publications quotidiennes et une offre payante sur abonnement. Dans la foulée, un événement intitulé «Quelle place pour les jeunes dans la presse quotidienne» se tiendra ce jeudi 1
Après évaluation, le Conseil administratif pourrait franchir le pas suivant, à savoir subventionner l’achat d’abonnements pour les jeunes atteignant leur majorité, confie Sami Kanaan.
Enfin, une évaluation sur plusieurs années des achats de prestations (publicités, annonces d’emploi ou partenariats comme le Journal de la culture sur Léman Bleu) est en cours. Il en va pour 600’000 à 800’000 francs de dépenses annuelles, précise M. Kanaan. L’exécutif devra déterminer s’il faut élargir les bénéficiaires – GHI et Tout l’Immobilier se plaindraient d’être court-circuités pour les offres d’emploi – et augmenter l’enveloppe. La Ville, qui recourt à JobUp pour permettre l’inscription à ses offres d’emploi, doit-elle créer sa propre interface et réinvestir les moyens libérés dans des annonces presse? se demande aussi M. Kanaan.
L’action de la Ville est désormais cadrée par une «charte médias» que s’est donnée le Conseil administratif. Celle-ci précise notamment la volonté de défendre activement le rôle essentiel du «journalisme comme métier professionnel». Le soutien va en priorité aux médias généralistes. Le texte, court, souligne comme critère l’importance de l’équipe rédactionnelle permanente engagée sur la base des conventions collectives.
Aide trop restrictive ou trop large?
Sami Kanaan aspire à une action cohérente à l’échelle lémanique. Il a mené des contacts avec le canton de Vaud, Lausanne et le Conseil d’Etat genevois, mais «le processus est lent, j’ai décidé d’aller déjà de l’avant». Au niveau du canton de Genève, précise-t-il, un projet de loi socialiste d’aide à la presse sera refusé par le Grand Conseil, qui le juge trop restrictif. Ciblant une presse associative et à but non lucratif, ««il ne bénéficierait qu’au Courrier et n’a malheureusement pas trouvé de majorité».
Mais comment justifier d’aider Tamedia ou Ringier, qui versent de substantiels dividendes à leurs actionnaires? «Si on va plus loin, il faudra pouvoir nous assurer que donner une somme X ne permettra pas à un éditeur de la déduire de ses dépenses.»
De son côté, le canton de Vaud a dévoilé mi-janvier une aide à la presse de 6,2 millions de francs sur cinq ans. Ce paquet comprend notamment une hausse des annonces et la création d’un kiosque virtuel regroupant les titres vaudois, avec des tarifs réduits pour les jeunes.