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Technologies de surveillance : RSF appelle les Etats européens à ne pas affaiblir la protection des journalistes

Alors que les négociations européennes sur le projet de réglementation des exportations et transferts des biens à double usage entrent dans leur dernière phase, RSF appelle les Etats membres à renforcer les restrictions à l’exportation des technologies de surveillance qui peuvent être utilisées pour espionner les journalistes et leurs sources.
Un nouveau cycle de négociations européennes sur le projet de réglementation des exportations de biens à double usage doit s’ouvrir jeudi 13 février à Strasbourg. Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen doivent trouver une position commune sur un texte qui vise à renforcer les restrictions à l’exportation de ce type de biens, dont les technologies de surveillance. Vendues par des entreprises privées à des régimes autoritaires, ces technologies peuvent être utilisées de manière malveillante pour espionner notamment des journalistes.
Au côté d’une coalition d’ONG, RSF avait dénoncé fin 2018 une des dernières versions du texte et le double discours de certains Etats européens, qui affichaient leur volonté de défendre les droits humains, tout en négociant en coulisses l’affaiblissement d’un texte censé mieux les prendre en compte.
“Affaiblir le texte proposé par le Parlement européen, refuser d’inclure l’ensemble des technologies de cybersurveillance existantes et à venir ou encore alléger les obligations de transparence des États représente une menace réelle pour les journalistes et au-delà pour le droit à l’information, déclare Iris de Villars, responsable Technologies à RSF. Ces technologies exposent les journalistes à la surveillance, compromettent leur capacité à mener leurs enquêtes et à protéger leurs sources, alors qu’elles sont de plus en plus accessibles, et que leur usage s’amplifie dans le monde.”
L’adoption d’une réglementation protectrice s’impose d’autant plus à l’heure où les gouvernements, par exemple, s’engagent de plus en plus directement dans l’organisation d’événements internationaux impliquant les entreprises privées du secteur de la sécurité et de la surveillance et d’autres Etats. Ainsi, à l’initiative du ministère de l’Intérieur britannique, le salon professionnel Security and Policing, qui doit se tenir à Londres en mars 2020, prévoit d’inviter la société israélienne NSO, spécialisée dans la conception de logiciels de surveillance et d’interception des communications en ligne. C’est un logiciel de cette entreprise qui aurait, d’après un rapport d’Agnès Callamard, rapporteur spéciale auprès de l’ONU, servi au piratage des communications de trois proches collaborateurs de Jamal Khashoggi, le journaliste saoudien assassiné.
En 2019, ce sont encore les logiciels de NSO qui auraient servi à intercepter les communications de journalistes indiens utilisant le service WhatsApp. Deux ans auparavant, le centre de recherche Citizen Lab pointait déjà du doigt les logiciels de NSO, qui avaient été utilisés pour espionner les communications de journalistes mexicains enquêtant sur des cartels de la drogue et de leur entourage.
Plus récemment, NSO ou Hacking Team, une autre société italienne spécialisée dans la surveillance, ont encore été soupçonnées par des enquêteurs de l’ONU d’être impliquées dans le piratage du téléphone du propriétaire du Washington Post, Jeff Bezos, dans l’intention présumée d’influencer la couverture de l’Arabie saoudite par le quotidien.
Ce sont les révélations sur la vente par l’entreprise française Amesys de technologies de surveillance au régime libyen de Mouammar Kadhafi, qui ont été utilisées pour espionner leurs dissidents, qui ont conduit la Commission européenne à mettre à jour la réglementation de l’Union européenne sur les exportations et les transferts de biens à double usage. Les négociations entre Européens sur ce projet de réglementation durent depuis 2016.