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La presse, plus que jamais vitale

Stéphane Benoit-Godet/Le Temps

La presse va-t-elle compter parmi les victimes de la pandémie? Si le confinement va générer bien des dégâts, les entreprises de presse se trouvent au poste avancé de cette bataille. Parce qu’elles reposent encore essentiellement sur la manne publicitaire – premier investissement coupé en cas de crise –, ces dernières s’apprêtent à vivre le krach le plus violent de leur histoire. Quelle ironie! Penser à sa survie quand l’accès à des sources d’information fiables et indépendantes n’a jamais été aussi vital depuis la Seconde Guerre mondiale! Il ne faut pas s’y tromper. L’époque ne se souviendra pas de la fin anecdotique de trois feuilles de chou et de deux canards. Elle nous somme de répondre à une véritable question de philosophie politique. Les pays du Vieux-Continent dépendent de deux totalitarismes: d’un côté, le capitalisme de surveillance – tel que conçu par les géants américains des technologies – et, de l’autre, le capitalisme de sous-traitance à la chinoise, seul capable de fabriquer les masques qui nous protégeraient. Faut-il choisir entre, d’un côté, les réseaux sociaux – dont l’audience de masse repose sur la dissémination de fake news – et, de l’autre, différents modèles de dictature qui fabriquent leur vision du monde sans contradicteurs?
Si on veut éviter de se retrouver dans cette situation inconfortable, il faut se donner des moyens. La presse constitue une des infrastructures critiques indispensables à un pays souverain. Si les médias n’ont plus les moyens d’enquêter, d’analyser, de donner voix aux experts, mais aussi de remettre en cause les autorités quand elles prennent de mauvaises décisions, alors le cadre démocratique ne tient plus.
Si la presse meurt, mettre un émoji qui pleure sur Facebook ne suffira pas. Quand un journal disparaît, même celui d’un quartier ou d’une commune, les conséquences ne se font pas attendre. C’est moins de participation à la prochaine échéance démocratique, et des votes davantage polarisés. C’est une région, un pays qui ne peuvent plus penser par eux-mêmes parce que soumis à des influences extérieures. C’est une population qui n’est plus informée quand il faut faire face. Comme aujourd’hui pour contrer la pandémie.