par Pierre-Alain Brenzikofer
Rédacteur en chef du Journal du Jura de 2009 à 2016, actuel corédacteur en chef d’Arcinfo, il est décédé vendredi des suites d’un malaise cardiaque, à 60 ans.
Il nous l’avait annoncé il y a une dizaine de jours: sur les conseils de son médecin, Stéphane Devaux avait dû admettre qu’il lui faudrait se mettre en congé. Connaissant sa personnalité, sûr qu’il s’y était difficilement résigné. Oserait- on parler de mort dans l’âme? C’est que notre ancien rédacteur en chef était un bileux. Toujours soucieux du bien-être de ses collaborateurs et de la bonne marche des titres avec lesquels il avait collaboré. Cette crise du coronavirus a-telle eu raison de ce cœur qu’il avait grand? N’avait-il pas lui-même fait part à ses collègues du désarroi d’un capitaine forcé de les abandonner au beau milieu de la tempête? Oui, quoi qu’on en dise et quoi qu’on pense, le métier de journaliste peut être terriblement éprouvant.
Stéphane Devaux était un enfant du Plateau de Diesse. Après avoir effectué son gymnase à Bienne et décroché une licence d’histoire à l’Université de Neuchâtel, il s’était d’abord tourné vers l’enseignement. Allez! sa passion pour l’écriture l’avait très vite convaincu d’entamer une carrière de journaliste. Le soussigné se souvient avec émotion que pendant ses années d’étude, il avait effectué ses premières piges pour le compte du Journal du Jura…
Historien de formation, notre ancien rédacteur en chef était un homme de culture et de savoir. Ses années d’études, en tout cas, lui avaient appris la rigueur, la précision et la modération. Pas d’esbroufe, chez Stéphane, mais bien plutôt une ferme volonté d’agir au plus près de sa conscience. Ce qui, dans notre métier, s’apparentait à une quête perpétuelle de la Vérité. Surtout, l’homme était modeste. Une qualité plutôt rare dans la profession.
Durant sa belle carrière, il avait occupé mille postes et mille fonctions, avant de se hisser au sommet de la hiérarchie. Là où les soucis et les responsabilités ont fatalement des conséquences sur le moral comme sur la santé. Mais, ainsi que nous l’a encore confié hier son frère Jean-Philippe, ses plus belles années, il les vécut comme «simple» journaliste sportif. Ancien membre du FC Lamboing comme du CP Plateau de Diesse, il avait su faire partager à ses lecteurs sa passion et son érudition. Ainsi qu’il nous le rappelait fréquemment, il n’était pas peu fier d’avoir pu participer à deux Jeux olympiques d’hiver, notamment.
«Mon frère était un gars très juste, foncièrement honnête. Il détestait la mauvaise foi comme le populisme. Il allait toujours au fond des choses. Je crois que ce métier était vraiment ce qu’il a toujours voulu faire. Reste que je l’ai jamais vu aussi heureux que pendant ses années de journaliste sportif», glisse Jean-Philippe Devaux.
Façon pudique d’avouer que les responsabilités lui ont pesé? Cela, nous avions pu le constater au JdJ, quand la presse prenait parfois des allures de Titanic, avec tout ce que cela sous-entend en matière de moyens financiers et d’effectifs toujours revus à la baisse. «Jamais je ne l’ai entendu critiquer un de ses collègues», précise pourtant son frère.
Au Journal du Jura, on se souviendra de son grand rire communicatif, de sa voix puissante, mais jamais méchante. C’est que Stéphane Devaux possédait un réel talent oratoire. Pour le bien de notre journal, on ne compte plus les débats, politiques ou autres, qu’il anima avec brio. Lâchement, on lui confiait toujours cette mission, sachant qu’il s’en acquitterait bien mieux que nous. Forcément, ce journaliste formaté presse écrite se faisait du souci pour l’avenir du papier. Comme il pensait sans doute déjà à ce qu’il allait faire une fois la page vie professionnelle définitivement tournée.
«Je l’aurais très bien imaginé mettre ses compétences au service de la communauté, qu’il s’agisse d’une fonction politique, d’activités culturelles ou sociétales, note son frère. Cela, il n’aurait pu le faire qu’à Neuchâtel, sa ville. Ce n’est pas pour rien qu’il s’en était retourné oeuvrer pour Arcinfo…» Sûr qu’il y aurait excellé.
A son épouse Claudine et sa fille Mahaut, à son frère Jean-Philippe, à ses parents confinés dans un EMS et qui ne réalisent pas encore, toute l’équipe du JdJ présente l’expression de sa profonde sympathie. Nous n’oublierons pas Stéphane.