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AFRIQUE Coronavirus : « Les pays francophones testent moins que le Nigeria, c’est une erreur »

Source : Jeune Afrique/ Olivier Marbot
Des soignants, à Harare, au Zimbabwe , le 21 mars 2020, en pleine épidémie de coronavirus. Photo d'illustration.
Spécialiste des maladies infectieuses, le Dr Christian Happi a travaillé sur de nombreuses épidémies en Afrique : Ebola, fièvre jaune, fièvre de Lassa, variole. Son laboratoire, au Nigeria, est l’un des premiers à avoir séquencé le génome du Covid-19. Considéré comme une référence internationale sur l’étude des maladies infectieuses, le Dr Christian Happi travaille à la Redeemer’s University d’Ede, au Nigeria, où il dirige le Centre africain d’excellence en génomique et en maladies infectieuses. Il est également professeur à l’université américaine d’Harvard, au sein du département d’immunologie et des maladies infectieuses.
Jeune Afrique a voulu savoir quel rôle peut jouer l’analyse du génome dans la crise provoquée par la pandémie de coronavirus, et quel regard le chercheur porte sur la situation au Cameroun et au Nigeria notamment.

  • Jeune Afrique : Que peut la génomique face au Covid-19 ?

En séquençant le génome du virus, nous pouvons en avoir une vision globale, ce qui permettra d’identifier des séquences précises auxquelles nous attaquer. Donc de développer des médicaments et un vaccin. Le séquençage nous permet de suivre ses mutations, donc d’adapter la riposte.

  • Par rapport à Ebola, quelles différences observez-vous ?

C’est très différent. Le Covid se propage beaucoup plus vite, y compris par voie aérienne. Le simple fait de parler à une personne infectée peut vous exposer (si celle-ci est proche, ndlr). Dans le cas d’Ebola, la transmission ne se fait que par contact direct et il est facile d’identifier les patients atteints.

  • La population africaine a-t-elle des spécificités qui expliqueraient le développement assez lent de la maladie, jusqu’à maintenant ?

C’est une possibilité. La population est jeune et le virus se répand moins vite chez les jeunes. De plus, les personnes âgées ne vivent pas entre elles comme en Europe ou aux États-Unis, mais plutôt avec leurs familles. Et puis nous avons moins de ressources, c’est évident, mais nos professionnels de santé ont aussi une plus grande expérience des épidémies que ceux des pays occidentaux. Les Africains sont exposés à beaucoup de maladies, donc il se peut que certains aient un organisme qui réagit mieux. Nous n’en sommes pas encore à rechercher des anticorps, mais c’est une possibilité. Après les crises d’Ebola, au Nigeria, nous avons vu beaucoup de personnes qui avaient été exposées mais n’avaient pas développé la maladie.

  • Quelle est la situation au Nigeria, actuellement ?

Le nombre de cas augmente et va continuer à augmenter. De plus en plus de gens sont testés grâce à plusieurs centres équipés pour cela. Je remarque que les pays francophones de la région ont tendance à pratiquer moins de tests que les pays anglophones, et c’est une erreur. Au Cameroun, par exemple, le premier cas de Covid a été identifié et le CDC (Centre africain de prévention et de lutte contre les maladies, rattaché à l’UA, ndlr) a demandé à ce que ses prélèvements soient envoyés à mon laboratoire pour y être testés. Mes collègues ont refusé ! Ça me désole, d’autant plus qu’il s’agit de mon pays. Voir ça en 2020, c’est incroyable. Les conséquences peuvent être désastreuses.